Ecole Saint Paul  Assemblée générale 2012 (12 mai 2012) Biographie/Portrait Who's who (28 juin 2010)

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Par CHARLES FOUCAULT cfoucault @ industrie-technologies.com publié le 01/04/2011 à 00h00

 

Travail et abnégation sont les maîtres mots de la carrière d'Alain Bravo. Ce brillant élève du Prytanée de la Flèche, de Polytechnique puis de Télécom Paris a mis chaque seconde de son temps au service de l'excellence. L'homme est discret mais sait ce qu'il veut. Jeune premier en charge de rattraper le retard de la France dans les télécommunications sous Georges Pompidou, créateur de SFR ensuite, il est désormais directeur de Supélec. Il y partage son expérience mais aussi les valeurs qui n'ont jamais cessé de le guider.

 

Il est 7 h 59, Paris s'éveille. Les rames du métro aérien se croisent au milieu du boulevard Auguste Blanqui, dans le XIIIe arrondissement. Alain Bravo commence par faire mentir sa réputation. D'après Daniel Lamendin, un ami depuis l'X, qui était aussi avec lui à Télécom Paris, « il arrive avec un retard systématique de dix minutes. » Pas ce matin. Il est déjà là. À travers la fenêtre du Havane Café, je le vois déposer son chapeau et son long manteau. Costume, pull en V, cravate, il a sorti des documents, qu'il ne me présentera finalement pas. « Au premier abord, il est tout en retenue, en observation, un peu froid, dit de lui Catherine Luce, son assistante. Si la confiance s'installe, alors il devient plus souple. » Un bon résumé d'une heure et demie passée avec lui et qui a commencé par : « Je n'aime pas trop me livrer, c'est d'ailleurs la première fois que j'accepte de me prêter à un portrait. »

 

L'HOMME

De la tradition au futur

 

Né à Cherbourg, Alain Bravo passe son enfance dans des villes militaires, au gré des missions de son père, ingénieur général de l'armement. Dès 16 ans, il quitte sa famille, alors installée à Angoulême pour l'internat du Prytanée national militaire de la Flèche où il obtient son bac et intègre la prépa. « Ça m'a laissé quelques valeurs », commente-t-il. Ces valeurs sont celles de la camaraderie et « la tradition du futur », dit-il, avant d'ajouter qu'il adore les oxymores. Ces quelques mots traduisent sa conviction qu'on ne prépare bien le futur qu'en connaissant ses racines et son histoire. Celle du Prytanée est jalonnée du passage de jeunes qui ont ensuite donné leur vie à la France, ce qui se ressentait d'autant plus lorsqu'il y était, alors que la guerre d'Algérie s'achevait. Depuis, les notions de service et de dévouement sont au coeur des engagements d'Alain Bravo. Selon lui, « la sensibilisation à la tradition peut ouvrir l'esprit, si elle n'est pas faite de manière idiote, comme avec les bizutages. » Ces valeurs, il les a d'ailleurs retrouvées à l'École Polytechnique, où il entre 1965. Convaincu que « pour commander il faut savoir servir » il adhère totalement à la devise de la plus prestigieuse école française : Pour la patrie, les sciences et la gloire. « J'ai essayé de faire ce que j'ai pu pour les sciences », glisse-t-il dans un sourire, le regard lumineux. Son goût pour l'histoire, il l'assouvit par ses lectures et sa passion de l'architecture : « J'adore me promener et lire les bâtiments. Je suis capable de dater n'importe quel immeuble de Paris à dix ans près ». Au-delà de ces centres d'intérêts, qui occupent ses rares temps libres, ce bosseur invétéré aime retrouver ses deux enfants, ses sept petits enfants et ses amis, sur la presqu'île d'Arvert, en Charente-Maritime, sur l'estuaire de la Gironde. « Notre maison est un havre de paix. Elle est dans la famille de ma femme depuis plus d'un siècle. » C'est d'ailleurs là qu'il a rencontré celle avec qui il s'est marié dès sa sortie de l'X. D'une soirée passée dans l'appart des jeunes mariés, à côté de Télécom, Daniel Lamendin se souvient d'Alain Bravo allant demander aux voisins qui se disputaient bruyamment « de baisser un peu la radio. » « C'est le premier de notre promo à être passé ingénieur en chef. Mais son ascension rapide n'a en rien changé nos relations », ajoute l'ami de longue date.

 

 

L'INGÉNIEUR

De la France au monde

À la sortie de l'X, Alain Bravo choisit d'intégrer Télécom parce qu'il aimait le mot communication et parce que son père lui a donné un conseil pour son orientation : l'informatique, c'est important. Son acharnement au travail est déjà évident. « Même à Télécom où les cours n'étaient pas tous intéressants, et parfois d'un niveau inférieur à ceux de polytechnique, il bossait quand même », se souvient Daniel Lamendin. À la sortie, il est immédiatement embauché par l'administration des télécoms (PTT) qui l'envoie se former en informatique chez Bell Canada. « C'était deux ans après " Vive le Québec libre ", tout le monde m'en parlait », sourit-il. C'était là, le premier mouvement de ses dix premières années de carrière, rythmées par les déménagements : Paris, Canada, Bordeaux, Paris, Amiens, Paris. « Ma famille m'a alors dit que j'avais atteint l'asymptote ». Il se fixe à Paris. Durant toutes ces années, et jusqu'à 1985, il participe à la construction des réseaux français de télécommunications. Un chantier initié par Georges Pompidou, qui voulait que la France rattrape son retard dans le domaine. Il atteint rapidement des postes importants, jusqu'à celui de directeur équipement et exploitation, au sein du ministère. « Le gouvernement se servait alors trop des télécoms pour remplir ses budgets », déplore-t-il. Il rejoint donc la Générale des eaux, en tant que directeur général adjoint de la compagnie générale de la vidéo-communication. En 1987, il convainc ses patrons de l'intérêt de la radiotéléphonie. « J'ai alors créé la SFR au sein de la Générale des eaux, pris le poste de président et recruté Richard Lalande comme directeur. » La société se développe avec le succès qu'on lui connaît à l'échelle européenne. En 1992, il considère que sa mission est remplie et se met en quête d'un nouveau défi. « C'est comme ça qu'il fonctionne, il se fixe un objectif et travaille d'arrache-pied jusqu'à l'atteindre », analyse Daniel Lamendin. Alain Bravo accepte la proposition d'Alcatel et devient directeur des réseaux mobiles, puis directeur de la recherche et des technologies en 1998. « À la direction générale des télécoms, je travaillais sur la France, à la Générale des eaux, sur l'Europe et chez Alcatel à l'échelle du monde », résume-t-il. C'est sur ce dernier poste qu'il se rapprochera de l'enseignement supérieur grâce au programme de recherche collaborative.

LE DIRECTEUR

De la théorie à la pratique

C'est par ce biais qu'il entre aux conseils d'administration de Supélec et de l'Isep et devient président de Télécom Bretagne. Il quitte alors Alcatel pour fonder Abhexis, une entreprise personnelle de conseils en transferts de technologies. À ce titre, il dirige, en 2003-2004, la première phase de l'opération Futuris, une étude prospective sur le système français de recherche et d'innovation, notamment sur les transformations nécessaires de l'enseignement supérieur. Jean-Jacques Duby quitte alors sa fonction de directeur de Supélec et propose son fauteuil à Alain Bravo. « J'ai trouvé très intéressant de passer de l'étude prospective à la mise en application auprès des générations futures », souligne-t-il. Son expérience personnelle, il la partage le plus possible avec ses étudiants. Il les réunit plusieurs fois par an, en amphi, pour qu'ils prennent conscience de la chance qu'ils ont d'être là, les encourager à profiter de la diversité des cultures présentes à l'école et les préparer aux responsabilités sociales qu'ils auront. Au cas par cas, il reçoit tout étudiant, doctorant ou enseignant chercheur qui a une idée de recherche ou veut monter une start-up. « Supélec est une association loi 1901 créée par l'industrie pour l'industrie. C'est à la fois un grand établissement d'enseignement supérieur et une PME », explique son directeur. Et il la gère comme telle, en utilisant ses compétences d'ingénieurs qui, sur des bases scientifiques larges, évoluent avec les technologies. « Il est concis et direct dans ses termes, décrit Catherine Luce. Quand il donne un dossier, il faut que ça avance. Il a un grand besoin d'efficacité et de rigueur. » S'il gère son école comme une entreprise c'est aussi pour les étudiants. « Tout élève qui va voir un prof sait qu'il a en face de lui un chercheur impliqué dans des projets de recherche contractuelle. » Il continue par ailleurs ses missions de conseil, pour la France, et plus récemment pour l'Europe. Il est notamment à l'origine du rapport, sorti en juin 2010, intitulé « Catalyser la compétitivité européenne au coeur de la mondialisation ». Il y encourage le développement de cursus dans les secteurs émergents. Conseil qu'il suit, dans son établissement, en plaçant la science des systèmes au coeur du programme scientifique de l'école et en impliquant Supélec dans un maximum de Pôles de compétitivité. « Je suis optimiste, affirme-t-il, et je sais que quand on forme un jeune, il sera à plein régime dans 30 ans. » Les valeurs qu'il a reçues quand il était à leur place, il les transmet à son tour à ses étudiants. C'est ainsi que l'homme de traditions construit le futur.

 

 

 

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